édito précédent
Dans le précédent éditorial je déplorais la malhonnêteté de certains gouvernants étrangers. Aujourd’hui je suis pris d’un doute pénible : serait-il possible qu’en France elle ait suscité des jalousies ?
Je me garderai bien de reprocher, comme le font certains de mes collègues de l’Education nationale, au ministre Luc Ferry d’avoir dépensé de l’argent, dont par ailleurs il dit manquer, pour imposer dans la bibliothèque de chaque professeur un livre exposant sa politique, et au premier ministre Jean-Pierre Raffarin d’avoir pareillement dilapidé les fonds publics pour faire part de la sienne à la masse du peuple, dans des encarts publicitaires couvrant des pages entières de quotidiens. S’il y a un reproche immérité, c’est bien celui-là.
Ces personnes ont commencé à s’exprimer dans l’arène politique ou sur divers forums idéologiques dans la première moitié des années 1980. A l’époque, le néo-libéralisme de Mme Thatcher et de M. Reagan fascinait la droite française, et le programme de ce qui allait s’appeler la première cohabitation se forgeait dans un joyeux reniement du principe d’une forte impulsion de l’Etat en matière économique qui avait marqué le gaullisme, et auxquels les pouvoirs successifs n’avaient encore guère porté atteinte. En matière sociale, l’heure était à la critique acerbe du salaire minimum et on commençait à trouver insupportables les "prélèvements obligatoires". La régionalisation du système scolaire, non point pour favoriser la participation du citoyen aux décisions, mais pour offrir toute latitude d’échapper à quelque principe central que ce fût, se donnait libre cours dans les projets et la retraite " par répartition", qui empêche tout un chacun de capitaliser en vue de ses vieux jours, était présentée comme un carcan aussi insupportable qu’archaïque.
Aujourd’hui, on nous clame que la décentralisation des personnels non enseignants de l’éducation est une fin, non un prélude, et que les coups portés à la retraite par répartition le sont pour son bien. Si nous doutons, nous sommes de tendres agneaux manipulés par de grands méchants loups appelés syndicats, et nous avons d’autant plus besoin des explications fournies par nos bergers, dût leur coût achever de nous priver des moyens matériels d’exercer correctement notre art.
Il reste un mystère : quand ces dirigeants se sont-ils convertis aux principes dont aujourd’hui ils se réclament ?
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