« Churchill a joué le rôle principal dans la lutte contre Hitler ». Cette vérité communément admise est rarement démontrée. Elle cohabite souvent avec des affirmations qui l’atténuent ou la contredisent : un autre Anglais, à sa place, aurait fait aussi bien dans un autre style ; les Etats-Unis ne pouvaient laisser faire Hitler, ils l’auraient de toute façon affronté, et vaincu, tant leur puissance était écrasante... D’ailleurs Hitler était une nullité politique et militaire, sa folle entreprise ne menait nulle part... Au fond, Churchill n’était-il pas avant tout un publicitaire de haut vol, fabriquant sa gloire à coups de discours héroïques ?
L’auteur, après avoir étudié quelques moments clés de la lutte contre le nazisme (mai-juin 1940, Montoire, procès de Nuremberg) et publié deux livres sur Hitler (dont la première biographie française), signe ici la première étude jamais entreprise sur la relation Churchill-Hitler. Depuis les commentaires du premier sur le surgissement du second à l’avant-scène de la politique allemande, en 1930, jusqu’à l’apocalypse berlinoise de 1945, c’est bien un duel qui se déroule, que nul ne perçoit très clairement sinon ses deux champions. La lucidité de l’Anglais porte moins sur l’intelligence de l’Allemand, que comme tout le monde il sous-estime, au moins au début, que sur le danger qu’il y aurait à le laisser prendre, puis conserver, le pouvoir. Sa détermination ne se dément jamais et il fait constamment feu de tout bois alors que tant d’autres, de par le monde, se cherchent de bonnes raisons de ne rien faire, y compris en pleine Seconde Guerre mondiale, quand l’Allemagne alterne avec une égale impunité l’immobilisme apparent et les avancées foudroyantes.
Hitler excelle à masquer son talent mais Churchill lui rend, en un sens, la pareille, puisqu’il est, depuis la Révolution d’Octobre, un anticommuniste virulent. Jouant énormément sur l’anticommunisme et paraissant près de détruire l’URSS, le dictateur allemand escompte que Churchill va bien finir par composer avec lui, ou par être renversé s’il s’obstine à soutenir Staline. Vues sous cet angle, les conférences de Téhéran et de Yalta sont des exploits diplomatiques et stratégiques. Elles consolident un front commun extrêmement fragile, et Churchill, là encore, est le maître d’œuvre.
Enfin, l’ouvrage prend position sur les accusations à la mode selon lesquelles Churchill n’aurait pas fait tout ce qu’il pouvait pour sauver les Juifs, ou aurait fait bombarder Dresde avec une cruauté gratuite.
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